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Le Collège La Fontaine, à St-Germain-des-Fossés

Le Collège La Fontaine, à St-Germain-des-Fossés

Le blog du CDI et du Collège Jean de La Fontaine, de St-Germain-des-Fossés dans l'Allier. 1er Prix Académique au Concours National de la Résistance et de la déportation 2019 pour le collège (le club "Mémoires" - Memoriae) et 1er Prix de l'éducation citoyenne 2017 décerné par l'association nationale des membres de l'Ordre national du Mérite (ANMONM). Bonne visite !


Amour et Psyché (3 et fin) - Anne-Sophie Silvestre

Publié par Le cédéiste sur 30 Août 2016, 16:59pm

Catégories : #Livres à dévorer !

La dernière partie de la nouvelle écrite par Anne-Sophie Silvestre et dédicacée aux élèves de notre collège.

Sur un pré immense qui couvrait une colline, des moutons et des bœufs d’une délicate couleur dorée broutaient. Une rivière, en bas, bordait le pâturage. En cherchant un passage, Psyché trouva une barque amarrée dans les roseaux. Elle la détacha et à l’aide d’une perche gagna l’autre rive. Elle y posait le pied quand les bêtes l’aperçurent. Voyant l’intruse, elles poussèrent des mugissements rageurs et dévalèrent la pente. Psyché n’eut que le temps de remonter dans son bateau et s’enfuir.

Dans sa barque au milieu de l’eau, Psyché tremblait encore de la peur qu’elle avait eue. Les animaux, face à elle, soufflaient et frappaient férocement du sabot. Mais voilà qu’elle sentit autour d’elle un souffle tiède bien connu.

— Zéphire ! s’écria-t-elle.

— Chhhh ! Parle moins fort, je suis ici incognito. Retourne de l’autre côté. Ces sales bêtes sont méchantes comme la peste. Elles te mettraient en pièces. Il n’y a que leur berger qui puisse les approcher.

— Et ma mission ? chuchota Psyché.

— Ce soir, quand le berger les rentrera à l’étable. Regarde, là-bas, ce gros crétin de bélier...

Le bélier pour atteindre des touffes d’herbe appétissantes s’était aventuré sous un buisson de ronces et maintenant sa toison était prise dans les épines. Il grognait, tirait et se démenait pour se dégager. À la grande joie de Zéphire et Psyché, il y laissa plusieurs touffes de laine.

Au coucher du soleil la trompe du berger appela le troupeau qui remonta pesamment vers le haut du pré. Les bêtes parties, Psyché traversa la rivière, courut aux ronces et démêla avec soin les fils d’or. Puis elle reprit le chemin du palais pour remettre son butin à la déesse.

Le lendemain, Vénus confia à Psyché une coupe de cristal. De la terrasse du palais, elle désigna une montagne :

— Tu vois ce mont ? Celui qui porte encore de la neige… Une source coule non loin de sa cime. Emplis-y cette coupe pour moi.

C’était une marche de plusieurs jours. Les nymphes s’étaient prises d’amitié pour Psyché, elles l’accompagnèrent pendant la première journée et lui donnèrent de la nourriture pour la route et un vêtement chaud.

— Prend bien garde à toi, lui dirent-elles en la quittant. On dit qu’il y a un précipice près de ce mont, surtout sois prudente…

En effet, il y avait un précipice.

Psyché contemplait la pente raide, verticale, vertigineuse, qui tombait devant elle. C’était impossible de descendre une telle paroi, surtout encombrée de la coupe de cristal… Pourtant, de l’autre côté, le mont avec sa source était là. Il n’y avait plus qu’à monter. Elle n’allait pas abandonner si près du but… Ici, le rocher se brisait en une sorte de fissure. Elle se baissa et passa les doigts dans la fente. Peut-être pouvait-on descendre le long de cette cassure ? En y glissant les mains et les pieds… Avec un lacet, elle attacha la coupe autour de son cou et la repoussa vers son dos, puis elle empoigna le rocher à deux mains. « Je dois me souvenir, pensa-t-elle, de ne jamais regarder en bas. »

— Mon enfant, dit soudain une voix près d’elle, c’est bien dangereux ce que vous voulez faire. Elle leva les yeux. Un aigle des montagnes s’était posé sur un rocher.

— C’est vrai, bel aigle, dit Psyché. Mais je dois emplir cette coupe à la source qui coule là-bas, de l’autre côté. Peut-être connaissez-vous une meilleure voie pour parvenir au bas de cette falaise ? — Il n’y a pas de meilleure voie. Cette falaise, à tout endroit, est un péril mortel.

— Alors, comment peut-on atteindre la montagne en face ?

— On ne le peut pas. À moins de savoir voler. Mais s’il ne s’agit que de remplir cette coupe, je le ferai volontiers pour vous. Redescendez dans la vallée, je vous y attendrai avec la coupe pleine.

Et en effet, un peu plus tard, quand Psyché eut regagné le bas de la montagne, l’aigle l’attendait avec la coupe emplie.

— Merci, bel aigle, dit Psyché.

— Bonne chance Psyché, répondit l’aigle.

Psyché n’eut plus que la peine de rapporter la coupe pleine à la déesse, ce qui n’était d’ailleurs pas si facile que ça. Les nymphes poussèrent des cris de joie en la voyant revenir victorieuse. Vénus contempla un moment la coupe.

— C’est bien, Psyché, dit-elle enfin. Tu es vaillante. Et tu possèdes à un point étonnant le don de te faire aimer.

— Sauf de tes moutons, ô déesse, répondit Psyché en riant. Les nymphes éclatèrent de rire. La déesse sourit :

— Sauf de mes moutons. Psyché, tes épreuves sont terminées. Si tu veux l’immortelle beauté, tu dois aller la demander à Proserpine, déesse du royaume des ténèbres. Elle seule peut te l’accorder. Va, ma fille…

Psyché partit songeuse. Comment se rendait-on au royaume des ténèbres ? Elle demanda dans un ou deux villages, personne ne sut lui répondre. Elle chercha un temple et posa la question à une prêtresse.

— Le royaume des ténèbres, nous irons tous un jour, ma belle enfant ! Il suffit d’attendre.

Psyché s’assit sous un arbre, le menton sur les genoux; cette réponse ne l’avançait guère... Un souffle tiède vint lui chatouiller le cou.

— Zéphire, ce n’est pas le moment de jouer !

— La belle Psyché est de mauvaise humeur ? Et moi qui t’apportais le message de quelqu’un que tu aimes bien.

— Un message d’Amour ? s’écria Psyché avec joie.

— Peut-être. Et peut-être même qu’Amour le connaît, ce chemin du royaume des ténèbres...

— La prêtresse dit…

— La prêtresse est une buse ! Viens avec moi.

Zéphire conduisit Psyché devant une grotte dont l’ouverture était envahie par les ronces.

— Cette grotte est l’une des entrées qui mènent au royaume des ténèbres. Il y en a plusieurs mais les gens préfèrent ne pas en parler. Pour les ronces, passe au ras du mur, il y en a moins. Ensuite, descends hardiment vers les profondeurs de la terre. Tu arriveras dans une grande plaine, traverse-là. Puis tu parviendras à un fleuve que l’on nomme le Styx.

— Dois-je le franchir ? demanda Psyché.

— Un batelier attend sur la berge. C’est Caron, un vieil avare. Donne-lui une pièce d’argent et il te mènera dans sa barque jusque chez Proserpine. À la porte du palais de la déesse, tu devras encore amadouer le chien de garde, Cerbère. Il est méchant, mais il est gourmand. Jette-lui un pain, ou mieux, un gâteau au miel, c’est sa folie ! Passe vite pendant qu’il mange. Et n’oublie pas d’emporter une deuxième pièce et un autre gâteau pour le retour.

— Est-ce tout ?

— Non. Sur ton chemin, il est possible que des ombres viennent te tourmenter.

— À quoi ressemblent-elles ?

— À tout le monde. Et même aux gens que tu connais, c’est leur ruse la plus perfide. Quoiqu’elles te disent, quoiqu’elles te demandent, ne leur réponds pas et ne leur donne jamais la main. Elles te voleraient ton pain et tes pièces et tu ne pourrais plus revenir. Maintenant, laisse-moi t’embrasser, petite Psyché. Tiens, voilà que j’ai les yeux pleins de larmes, comme c’est bête… Bonne chance ! Pense qu’Amour pense à toi.

Dans un village voisin, la boulangère, une personne gentille, donna volontiers deux pièces et deux gâteaux à Psyché en échange d’un peu d’aide au fournil. Psyché enferma son trésor dans un sac qu’elle pendit à son cou, à l’intérieur de sa tunique. Elle se glissa le long de la paroi de rocher qui, en effet, était libre de ronces et entra bravement dans la caverne.

Elle marcha longtemps, parfois dans d’étroits couloirs, parfois dans d’immenses salles pleines de stalactites et de stalagmites, parfois dans des puits qui s’enfonçaient de plate-forme en plate-forme. Des veines de cristaux couraient ça et là dans la roche, diffusant une faible lumière qui permettait de suivre le chemin. Enfin, elle n’aurait pas su dire combien de temps cette descente avait duré, elle parvint à la plaine dont Zéphire avait parlé.

C’était un paysage plat et désolé, plongé dans une demi-obscurité. Un sentier semblait la traverser. Sur le chemin, un petit vieillard tout cassé menait par la longe un pauvre âne épuisé. Soudain, les fagots qu’il portait se détachèrent et le bois s’éparpilla.

— Quel malheur ! s’écria le vieux. Qui m’aidera à recharger mon âne ?

Psyché, émue, accourait déjà quand elle se souvint des mises en garde de Zéphire à propos des ombres et de leurs pièges. Elle s’arrêta et s’écarta du chemin de quelques pas pour examiner le vieux et l’âne. Ils l’observaient aussi tous deux. Ils n’avaient plus l’air malheureux, mais méchant et vexé. Et quelques instants plus tard ils disparurent, comme s’ils n’avaient jamais été là.

Au bord de la route, trois vieilles assises autour d’un rouet filaient de la laine. Elles se lamentaient :

— Notre fil est cassé ! Bonne petite, toi qui as de bons yeux, viens nous aider !

Psyché se boucha les oreilles et passa en courant. Un instant plus tard, toujours courant, elle tourna la tête : les sorcières avaient disparu.

Près du fleuve, le batelier Caron attendait.

— Bienvenue, charmante enfant ! Mais charmante ou non, si tu n’as pas d’argent, tu ne monteras pas dans ma barque.

Psyché, sans répondre, tendit une pièce. Caron détacha le bateau et commença à ramer sur l’eau noire du Styx. Et soudain, il y avait un homme dans l’eau, tout près de la barque !

— Sauvez-moi, supplia-t-il, mes forces m’abandonnent, je vais me noyer…

Psyché, bouleversée, reconnut son père. Elle se leva d’un bond et tendit les deux mains. Mais, à cet instant, elle se souvint de Zéphire et recula. L’ombre disparut, il n’y avait que de l’eau autour du bateau.

Le palais de Proserpine, immense et obscur s’élevait au bord du fleuve. En haut des marches, le chien Cerbère gronda en voyant Psyché monter. Elle lança l’un des gâteaux. L’énorme molosse l’attrapa au vol et se mit à manger goulûment en oubliant l’intruse. Et, enfin, elle pénétra dans le palais.

— Que viens-tu faire ici, enfant de la terre ? demanda Proserpine voyant Psyché venir à elle.

Proserpine était très belle, certes, mais pâle, triste et toute vêtue de noir.

— Grande déesse, j’ai fait tout ce chemin pour te demander l’immortelle beauté.

— C’est un don sans prix, ce que tu demandes... Pourquoi veux-tu obtenir l’immortelle beauté ? — J’aime Amour plus que ma vie. Si je ne conquiers pas l’immortelle beauté, nous serons séparés à jamais.

La déesse médita un long moment cette réponse.

— C’est une bonne raison, dit-elle enfin. Je vais t’accorder ce que tu désires.

Elle prit un coffret, souffla doucement dedans, le ferma et le tendit à Psyché.

— Grande déesse, dit Psyché, comment pourrai-je jamais te remercier ?

Proserpine sourit.

— N’ouvre ce coffret que lorsque tu seras revenue au jour. Sois heureuse avec Amour.

Psyché jeta la seconde pâtisserie à Cerbère, paya le trajet de retour à Caron et se lança en courant presque à travers la plaine. Les ombres ne se montrèrent plus. « C’étaient bien l’argent et les gâteaux qui les attiraient » songea Psyché. Elle retrouva la lumière du soleil avec une joie éclatante et revint aussi vite qu’elle le put chez Vénus.

— Grande déesse, voici le coffret que m’a donné Proserpine.

— Ouvre-le, Psyché, il est à toi.

Une vapeur fraîche et enivrante s’exhala du coffret. Psyché fut prise de vertige et tomba dans une profonde torpeur. Quand elle s’éveilla, Amour la tenait dans ses bras et l’emmenait vers la maison des nuages.

— Psyché, ma bien-aimée, dit-il, nous voici réunis pour toujours.

Amour et Psyché furent éternellement heureux et, la légende ne le dit pas mais on peut le supposer, ils eurent une multitude d’enfants.

Anne-Sophie Silvestre

Psyché ranimée par le baiser de l’Amour, sculpture d'Antonio Canova, Photo Musée du Louvre.

Psyché ranimée par le baiser de l’Amour, sculpture d'Antonio Canova, Photo Musée du Louvre.

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