Ce mardi 8 novembre 2016, les trois classes de 3ème, les élèves de 4èmes du club "mémoires" du collège ont rencontré M. Eugène LAURENT, ancien Résistant, emprisonné à la Mal-Coiffée, la prison de Moulins, au camp de transit de Compiègne et rescapé des camps de concentration de Buchenwald, de Dora et de Ravensbrück.
Cette MAGNFIQUE et émouvante rencontre a été organisée par le club "mémoires" du CDI, animé par Christophe Boutier, professeur documentaliste, dans le cadre du projet "devoir de mémoires", avec le concours des personnels du collège.
Mme Biélli, Principale du collège, a prononcé un joli discours en l'honneur de M. Laurent très touché de l'accueil réservé.
M. Laurent était accompagné par deux anciens professeurs d'Histoire, M. DIOT, de l'ANACR et de Mme. BODEZ, Secrétaire départementale du Souvenir français, afin de contextualiser les propos de M. Laurent.
BRAVO aux élèves du "club mémoires" (Emma, Emeline, Tséringma, Lisa...) et à ceux du club théâtre (Célia...) qui ont lu à voix haute des poèmes écrits dans les camps de concentration par des Résistants, le poème "Liberté" de Paul Eluard ainsi que Le Chant des Partisans.
Un goûter, moment convivial, était organisé pour l'occasion et pour fêter l'anniversaire de M. Laurent (95 ans le 18 novembre, excusez du peu !)
M. LAURENT a reçu la Légion d'Honneur à ... 92 ans. Heureux, il adore rencontrer les "jeunes" comme il dit. Et il nous a impressionné, par son optimisme à tout épreuve et son humour : quelle leçon !
Son récit :
M. LAURENT est né en 1921, à Saint Prix.
Il a été arrêté pour acte de Résistance : boulanger à Lapalisse, il a refusé d'aller au STO et de construire des tranchées dans le camp d'aviation de Lapalisse. Il n'avait tué personne, il fut pourtant arrêté en 1943, envoyé en prison à Moulins (à la Mal-Coiffée) avant de connaître l'enfer de trois camps de concentration où il devait connaître la "deshumanisation." Vêtu de son "pyjama" rayé, il n'était alors plus qu'un numéro (22 950 - son dernier matricule) qu'il connaissait par coeur en allemand de peur d'être fusillé sur place lors de l'appel. Le "rayé" qui nous a été montré aujourd'hui, tout déchiré, n'était pas le sien, mais celui d'un camarade : le sien, il s'en était séparé en s'évadant, il l'avait enterré, pour passer inaperçu parmi d'autres prisonniers.
C'est son métier de boulanger qui l'a sauvé (il était habitué à travailler jour et nuit) et son instinct de survie. Dans les camps, il cherchait de la nourriture pour manger car les déportés avaient très peu : un petit peu de soupe avec de la margarine, parfois une rondelle de saucisson. Il lui est donc arrivé de voler un cigare à un civil allemand pour l'échanger contre cinq soupes. Il avait pourtant peur de la "ficelle", la corde car devant les yeux des déportés étaient exposés, par les nazis, des pendus. Tant bien que mal, il essayait de rester un homme en se rasant avec une cuillère dont i lavait aiguisé le manche et un peu de margarine. Quand il était blessé, il se soignait aussi avec cette margarine ou de l'urine. Ainsi, le jour où il a pris un coup de poing gratuitement car il avait eu le malheur de passer devant un SS. Les nazis avaient le droit de vie ou de mort sur eux !!! Il ne pouvait pas écrire aux siens ou alors juste sept lignes... pré écrites, par les allemands. A Peenemünde (Baltique), pendant cinq mois il n'a pu écrire : il était interdit d'avoir un crayon et toutes les semaines les déportés étaient fouillés.
Il a travaillé avec Wernher von Braun, l'ingénieur nazi, que les américains ont "récupéré" après 1945 pour la conquête spatiale. A Peenemünde, il participait enfermé dans un tunnel noir à la construction des V1 et V2, des fusées que les allemands essayaient d'équiper de têtes nucléaires pour les envoyer sur l'Angleterre, seul pays d'Europe non conquis par l'Allemagne. Eugène Laurent sabotait les moteurs des fusées en glissant des morceaux de chiffons dans les tuyaux des réacteurs des fusées.
Eugène Laurent est parvenu à s'échapper, en rejoignant un camp de prisonniers de guerre français ce qui lui sauva la vie, avec son copain de Vichy, Jean Desarce. Pour survivre, pendant 14 jours, il s'est contenté de manger dix sucres, un par jour, de boire de l'eau des caniveaux, de l'oseille sauvage, un escargot... C'est un colis de la Croix-Rouge suédoise de 3 kg qui lui a permis de s'en sortir.
Quand il est rentré en France, il pesait 35 kg au lieu des 90, son poids de forme ! Il fut même très mal accueilli à Lapalisse : on lui reprochait, lui, de s'en être sorti alors que les autres lapalissois, eux, étaient morts. La culpabilité était grande : pourquoi m'en suis-je sorti ? Pourquoi moi ? En effet, sur les quinze de Lapalisse arrêtés et déportés en même temps que lui, seulement cinq sont revenus. L'accueil ne fut donc pas chaleureux. Seul son frère l'attendait, pour le charger sur son guidon de son vélo. Deux mois après, il reprenait le travail !! Il fallait bien faire vivre les cinq frères et soeurs ! Ce qui explique, en partie aussi, pourquoi il s'est longtemps tu.
Aujourd'hui, Eugène Laurent n'en veut pas aux allemands : il fait la différence entre les nazis et les allemands. Eugène Laurent a pardonné sans oublier. Sa devise. D'ailleurs, il a toujours aimé la langue allemande, ainsi que le russe, ce qui lui a toujours servi, de même que la curiosité. Quand à son engagement dans la Résistance (les MUR) , il admet qu'il n'est pas dû à de quelconques idées politiques mais à cette guerre qui n'en finissait pas ! Mais aussi à la faim. Ses soeurs, ses frères, étaient malheureux : la population avait faim, même s'il admet que, lui, en tant que boulanger, il était privilégié.
Si Eugène Laurent ne participe plus aux commémorations depuis l'an dernier, il fait livrer des gerbes de fleurs sur les tombes, en hommage à ses camarades qu'il n'oublie pas. Avant de mourir en déportation, une jeune mère lui a demandé de prendre contact, une fois rentré, avec sa famille qu'Eugène Laurent ne connaissait pourtant pas. Homme d'honneur, il s'est acquitté de sa mission et aujourd'hui, il continue de correspondre avec les descendants de cette personne.
Oui, aujourd'hui, fut un beau jour ! Celui où nous avons rencontré Eugène LAURENT : quelle belle leçon !
"Pardonnez mais n'oubliez jamais !"
Avec Mme Biélli, M Roux (Electrodrôme de Magnet), Jean Charlier (Président du Comité Vichy du Souvenir français)
Avec Christophe Boutier, M Roux (Electrodrôme de Magnet), Jean Charlier (Président du Comité Vichy du Souvenir français)